Parce que les articles auteurs que j’ai décidé de partager avec vous sont avant tout destinés à découvrir ou redécouvrir des auteurs, aujourd’hui, je vous parle d’ un auteur dont je n’avais pas encore entendu parlé mais qui par nos échanges m’a l’air d’être un homme vraiment sympathique.
Philippe est journaliste culturel, webmestre et enseignant, spécialisé dans le domaine des cultures indiennes.
Déjà remarqué pour ses nouvelles (Lettres de Shandili) et ses poèmes (Devîsadageï) d’inspiration indienne en 2007, puis pour son roman Le Soir, Lilith publié en 2014, Philippe Pratx a débuté son parcours littéraire dès l’adolescence.

Ses livres

Publié en 2007 aux Editions Thot.
L’auteur réunit pour les deux œuvres publiées dans ce volume, les fruits de deux passions : la civilisation indienne et l’écriture. Le recueil de nouvelles – métissé de roman épistolaire – Lettres de Shandili explore un univers indien à la fois consciencieusement scruté et réinventé. Mais ses enjeux littéraires vont au-delà : disant beaucoup tout en laissant toujours l’essentiel dans le pâle éclat du non-dit, les textes du recueil constituent en eux-mêmes et dans le tissu de correspondances qu’ils entretiennent, un paysage spirituel. En regard, les poèmes du Devîsadangeï, attribués au poète tamoul Aridam, sont un prolongement ou un préalable à ce paysage. Parce qu’une traduction se donne par essence comme perpétuellement par défaut, ces textes à la légèreté presque fruste veulent témoigner de la difficulté de tout langage à appréhender le spirituel.

Sortie en format Broché le 17 janvier 2014 aux Editions L’Harmattan.
Alors qu’il met en ordre les éléments épars d’une possible future biographie d’une star du cinéma muet qu’il a fréquentée dans sa jeunesse, un écrivain reçoit la visite d’une étrange journaliste qui le presse de lui en dévoiler davantage sur la fameuse Eve Whitefield, plus connue sous le nom de Lilith… Dès lors, filmographie, notes manuscrites, souvenirs brumeux se mêlent pour tisser un canevas qui ne parvient pourtant pas à dresser un portrait fidèle d’un personnage hors du commun, jusqu’à ce que la journaliste dévoile à l’auteur une facette inconnue de l’actrice..

Sortie en format Broché le 09 septembre 2020 aux Editions L’Harmattan.
Le Scénar, c’est l’histoire _ mais est-ce bien une histoire? _ de quelques personnages qui ont découvert le texte anonyme d’un scénario de cinéma. Quand on découvre le manuscrit d’un «scénar», que peut-il se passer? Roman allégorique qui explore la relation que nous avons avec la réalité et la fiction, Le Scénar est aussi une déclaration d’amour au road movie…, nourri d’inspirations fantastiques, politiques, philosophiques…
Questions/Réponses
- Pouvez vous vous décrire en quelques mots?
L’autoportrait n’est pas un exercice facile, par ce qu’il suppose notamment de choix dans les informations à donner. Pour aller donc au plus simple et aux données objectives, je dirai que je suis un nouveau sexagénaire, marié et père de deux filles, et que j’exerce depuis 1982 le métier d’enseignant, en tant que professeur de lettres modernes. Je suis actuellement en poste au Lycée Français de Cali, en Colombie. Je publie des textes depuis 1977 (en revue) et mon premier livre est paru en 2007.
- Pouvez vous nous parler de votre livre?
Mon dernier ouvrage, Le Scénar, paru en septembre 2020, est un roman, ou peut-être faudrait-il parler d’un méta-roman, tant il est important de comprendre qu’il invite à être lu à plusieurs degrés. Le prétexte de départ est la découverte, par quelques personnages principaux, du texte d’un scénario de cinéma, un road movie intitulé Velorex. Ce texte est intégralement mis en abyme dans le récit cadre, et s’ajoute à ces deux niveaux narratifs un troisième niveau, discursif, où le narrateur s’adresse aux lecteurs.
Comme l’indiquent les premières lignes de l’avertissement initial, « Ce livre n’est pas très sérieux. Je m’y propose surtout de m’amuser à évoquer certains rapports, certaines relations. Entre la réalité et la fiction. Ou la fiction et la réalité. Je ne sais pas si l’ordre des mots est important. Le rapport des gens à la réalité. Des gens à la fiction. Et le rapport des gens au rapport entre la réalité et la fiction. » Encore ces propos sont-ils loin de suffire à rendre compte de mon projet littéraire.
Si je m’en réfère aux diverses critiques déjà publiées sur Le Scénar, les mots qui reviennent le plus pour tenter de le décrire sont « inclassable », « déjanté », « hors des sentiers battus ». Et les auteurs et autres cinéastes, convoqués pour établir des comparaisons, essayer des rapprochements, éclairer l’esprit du livre, vont de Baudelaire à Thomas Pynchon, de David Lynch à Haruki Murakami, de Boris Vian à Woody Allen… auquel je me réfère du reste moi-même au cours du récit.
Loin de la littérature de grande consommation, loin des livres qui vous happent et vous bercent de la douce illusion narrative, loin de cette littérature Coca Cola, formatée et addictive, qui fait les délices des lecteurs avides d’évasion facile et des éditeurs soucieux de leur rentabilité commerciale, Le Scénar est conçu, non sans humour, pour extraire le lecteur de sa zone de confort. Certains s’y refusent, d’autres y trouvent matière à jubiler.
Un jour, une lectrice m’écrivait (mon absence de notoriété a l’avantage de me rendre très accessible ): « … je vous remercie de m’avoir autant fait réfléchir, j’en suis presque arrivé à remettre en doute la réalité de mon existence, et j’ai aimé cette façon que vous avez eu de chambouler toutes les certitudes que je me construisais. Merci de m’avoir permis de vivre cette expérience. »
Pour ce qui est des personnages, du « contenu », pourquoi ne pas consulter le site officiel consacré au livre : http://philippepratx.net/indexscenar.htm ? On y trouve bien des informations utiles ou inutiles… et les lecteurs du Scénar peuvent même proposer des extraits de lecture enregistrés en audio…
- A quel âge avez vous commencez à écrire?
J’ai commencé à écrire, des récits et de la poésie, vers l’âge de 9 ou 10 ans. L’envie, ou le besoin, m’en est venu bien sûr sans qu’il semblât nécessaire alors pour moi d’en analyser les causes et les origines. A un âge où l’esprit aime à jouer et à découvrir, où il n’a pas perdu l’espoir de s’émerveiller, avec plus de profondeur qu’on ne pourrait le croire, sans doute faut-il aller chercher dans ce goût du jeu, de la découverte et de l’émerveillement une grande partie de ce besoin d’écrire.
- Dans quel contexte écrivez vous ( bureau, en écoutant de la musique,…) et combien de temps y consacrez vous par jour?
J’écris aujourd’hui au clavier, sur mon ordinateur, chez moi, au calme. La musique m’accompagne parfois, mentalement. Il fut un temps – dans d’autres « chez moi », face au papier et le stylo à la main – où la musique était plus présente, et plus concrètement. Du rock progressif aux valses de Ravel… Devant le côté « déjanté » (j’en parlais) de mes écrits, certains ont pu supposer des choses… Récemment encore, une critique sur Babelio imaginait un « dialogue d’Edouard Baer sous ecstasy »… Il n’en est absolument rien. Quel manque de confiance dans les capacités créatrices intrinsèques de l’esprit humain que de confier les clés de l’écriture à des substances chimiques ! Et pour ce qui est du temps que je consacre à l’écriture, il est on ne peut plus variable. L’acte d’écriture en lui-même peut m’occuper plusieurs heures, mais il m’arrive souvent de passer des semaines sans rien écrire. Adolescent, je n’aurais su passer un jour sans écrire. Ce temps est révolu. Mais « l’acte d’écriture en lui-même » n’est finalement que la partie émergée et apparente d’un processus qui, tel l’iceberg, cache la plus grande partie de lui-même. Un processus de gestation, de maturation, de fermentation, qui s’appuie sur une perpétuelle observation du monde proche et lointain, une fréquentation de soi-même, une perpétuelle réflexion rationnelle ou rêveuse, qui aboutit parfois à quelques notes mises en mémoire, et qui toujours, dans le secret de ses laboratoires empiétant autant sur le conscient que sur l’inconscient, enfante la matière immatérielle de ce qui deviendra un livre… ou en sera le simple avorton.
- Êtes vous également un passionné de lecture? – Si oui pouvez vous donner votre top 5 parmi vos lectures?
Pour moi, la lecture est un mets à savourer plutôt qu’à dévorer. Je lis donc relativement peu, mais je lis « profondément », en quelque sorte. Si je dois retenir cinq auteurs ou livres, rencontrés a cours des décennies et dont je puisse dire qu’ils ont été – et sont encore – importants pour moi, en tant que lecteur, qu’auteur et qu’être humain, je citerai sans trop d’hésitation André Dhôtel (Le Pays où l’on n’arrive jamais, L’Enfant qui disait n’importe quoi…) : le premier auteur sans doute à m’avoir, dans mon enfance, emmené loin là-bas, dans la sensation de l’ici. Paulina 1880 de Pierre Jean Jouve : le livre le plus fascinant à mes yeux… cette rencontre du charnel le plus passionné et du spirituel le plus brûlant… cette écriture toute de poésie et de sobriété légère et sans austérité. Villiers de l’Isle-Adam et ses contes, ou sa pièce Axël… pour la fraternité d’âme que je sens en lui, dans ses désespérances postromantiques, dans les hauteurs idéalistes, et jusque dans la morsure de ses satires. Les Chroniques martiennes de Bradbury, tellement belles. L’œuvre de Lovecraft, tellement extrême.
Je prétendais ne pas trop hésiter, et pourtant d’autres figures se montrent au carreau, Tristan Corbière, Proust, Ghelderode… et tant d’autres finalement… Et s’il fallait ajouter le cinéma !..
- Êtes vous déjà entrain d’écrire votre prochain livre ou avez vous déjà une idée sur le sujet du futur livre?
Dans quelques mois va paraître, en Belgique, un ouvrage poétique, qui ne sera pas pour autant un recueil, intitulé Karmina Vltima. Et les autres projets sont assez nombreux : un grand roman qui demandera encore des années de préparation, un modeste recueil de poèmes, un recueil de nouvelles inspirées de la méthode d’écriture de Raymond Roussel, etc. Vous me pardonnerez de ne pas être trop bavard sur ces fœtus en gestation…
J’espère que cet article vous aura permis de découvrir ou redécouvrir Philippe Pratx et ses livres et que vous aurez envie d’en savoir un peu plus sur ses œuvres.
. Je remercie Philippe pour le temps passé à me répondre mais également pour sa patience.